Excerpt:
I copy therefore I am. Superflex a le sens de l'humour. Le collectif danois s'est approprié le logotype de l'artiste américaine Barbara Kruger. Si cette œuvre est à prendre au second degré, la resucée, elle, est monnaie courante sur la foire Armory Show qui a ouvert ses portes mercredi à New York. Chez Kohn (Los Angeles), une œuvre de John Bauer fait ainsi furieusement penser à... du Wade Guyton, lui-même passé maître en recyclage. Aussi le visiteur doit-il frayer son chemin au milieu des kilomètres de croûtes ou de formalisme zombie, pour reprendre la formule du critique d'art Walter Robinson. Heureusement, le salon offre aussi quelques éclaircies : les expositions personnelles impeccables de Daniel Buren chez Kamel Mennour (Paris) - de retour après cinq ans d'absence -, d'Alan Vega chez Laurent Godin (Paris), de Richard Pettibone chez Mitterrand (Paris), ou encore Franz Erhard Walther chez KOW (Berlin). L'Armory Show est de ces salons où il faut chiner, repérer dans une section moderne d'une terrible platitude les dessins exquis d'Hélio Oiticica ou des gravures de Munch, relever dans le focus moyen- oriental franchement inégal le travail tout en gravité de la Palestinienne JumanaManna chez CRG (NY).
En art, il est des purgatoires, des traversées du désert, des hauts et des bas. Mais point de mort. C'est la leçon qu'offrent deux créateurs présentés sur la foire. Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris) proposent ainsi une grande toile de l'Américaine Julia Wachtel. Le nom ne vous dit rien ? Cette artiste de la génération de Jeff Koons avait été présentée voilà une vingtaine d'années par cette galerie parisienne. Jusqu'à il y a cinq ans, ses œuvres valaient péniblement 5 000 dollars. Récemment, le musée de Cleveland lui a consacré une rétrospective et la galerie Elizabeth Dee (New York) l'a montrée sur Art Basel Miami Beach. Et soudain, les collectionneurs se sont réveillés. Actuellement, ses œuvres se négocient autour de 90 000-95 000 dollars. Autre jolirevival, celui de Peter Schuyff par Sorry we're closed (Bruxelles). Cet artiste a connu un démarrage fulgurant dans les années 1980, exposant chez Larry Gagosian à New York, et Leo Castelli. Enfant chéri de la planète arty, il sera collectionné par le MoMA et le Metropolitan Museum of Art de New York. Au milieu des années 1990, il cesse de peindre et, ravagé par la drogue, il entame une cure de désintoxication en Asie. Aujourd'hui, il commence à revenir sur le devant de la scène. Pour autant, Sorry we're closed ne perd pas le Nord et le propose au prix de jeunes artistes, entre 25 000 et 45,000 dollars. Une stratégie ad hoc : la Fondation Magasin III à Stockholm lui a acheté sur la foire une installation de 2006.
Sorry We're closed n'est pas le seul exposant à connaître un démarrage sur les chapeaux de roue. Ni la météo peu clémente - la tempête de neige menaçant à tout moment de s'abattre sur New York - ni les quolibets que continue d'essuyer l'Armory Show n'ont pas refréné le beau monde présent au vernissage, de Glenn Lowry, patron du MoMA, à Howard Rachofsky, méga collectionneur de Dallas, en passant par l'artiste Maurizio Cattelan et la conseillère Kim Heirston. Pour les participants européens, ce rendez-vous, brouillon, cher et inégal, reste vital. « Le marché américain représente 50 à 60 % de notre chiffre d'affaires », confie Christophe Langlitz, directeur de la galerie Mitterrand. Même si les collectionneurs outre-Atlantique ne contribuent qu'à environ 20 % du produit de Daniel Templon (Paris, Bruxelles), celui-ci juge la foire productive. Une toile de Kehinde Wiley, coqueluche afro-américaine simultanément présentée au Brooklyn Museum, a d'emblée été réservée pour 125 000 dollars. La galerie Michel Rein (Paris,
Bruxelles) a pour sa part cédé une sculpture d'Abigail DeVille aux collectionneurs new-yorkais Susan et Michael Hort. Et ce n'est qu'un début.
THE ARMORY SHOW, jusqu'au 8 mars, Piers 92 et 94, New York, tél. +1 212 645 6440, www.thearmoryshow.com